ELIZA DOUGLAS

I Am All Soul

November 10, 2016 - January 14, 2017


FR

Est-ce un communiqué de presse ? Je ne pense pas. C’est une existence. L’artiste me dit qu’elles sont nées en 1984, année d’excellents auspices, à New York, ville pleine d’agitation, et que c’est leur première exposition solo. En ce moment, elles habitent la plupart du temps à Francfort où elles étudient la peinture à la Staedelschule qu’elles auront terminée en 2017.

Bien que je connaisse cette peintre depuis moins de dix ans mais quand même plus de cinq j’ai toujours vu Eliza Douglas comme une longue Américaine androgyne irradiant sereinement une mission résolue en leur for intérieur.

J’étais moi-même pour un concert à la Staedelschule l’hiver dernier et comme nous sommes amies, je suis allée dans l’atelier d’Eliza Douglas. Elles m’ont montré une vidéo qu’elles avaient faite sur la poétesse Dorothea Lasky lisant son travail et je crois qu’il y avait une porte dérobée par laquelle la poétesse entrait pour déclamer. Peut-être est-ce parce que je suis poète moi-même que j’ai pensé ça, mais j’ai eu l’impression que Dorothea Lasky était un diable surgissant de l’enfer et je savais très bien qu’Eliza Douglas avait créé la porte lumineuse par laquelle le diable allait entrer. Et c’est parti. Dans l’atelier d’Eliza j’ai pensé aux corps et combien ils sont mystérieux, ineffables, chimériques, toujours surprenants. Alors que j’écris ceci, mon propre corps est sans doute là mais je n’en ai jamais autant été séparée que maintenant. Je me demande si Eliza Douglas se sont vues comme des super héros quand elles ont fait cette oeuvre.

Je pense à ce personnage de comics qui allongeait les bras à volonté, pour sauver les gens, enroulant ses membres extensibles autour d’un voleur tout en faisant de l’esprit genre pas si vite mon garçon. Les super héros de comics sont toujours à la fois drôles & sombres, une tonalité américaine. Les fantastiques et humbles peintures d’Eliza n’ont rien d’une oeuvre particulièrement américaine. Elles sont aussi comiques comme le poète bondissant à la porte parce qu’une peinture est traditionnellement faite à la main et pourtant Eliza Douglas engageait d’autres peintres pour faire les parfaites mains caucasiennes ; peut-être qu’une paire de pieds francs enracine elle aussi sa spirituelle et impossible structure dans le sol. La traînée de peinture qu’Eliza Douglas réalise ensuite et qui germe dans les mains est génitale par son amplitude musculaire, une stupide fontaine au beau milieu du parc n’ayant d’autre ambition que de cracher l’eau, et se demandant pourtant avec passion si elle est assez magique dans sa simplicité, dans son geste énigmatique : pour être et pour apparaître délibérément comme quelque chose d’humain, une lettre, dérangée, mais motivée par le souhait de mettre « main » à la peinture. Je peux parler d’une peinture ou de toutes ses peintures mais quoi que je fasse, elles bouillonnent dans l’expectative parce qu’elles sont les plus précoces, les plus fraîches et les plus anciennes. À la fois. Ce qu’elles ont, c’est le souhait de faire art ; faisant imperturbablement le lien entre ceci et cela, se servant de la robotique de la peinture pour se mettre à peindre. Ces peintures me donnent envie de rire parce qu’elles sont toute joie. Elles la mettent à nu, trafiquant la marionnette de la peinture pour qu’elle reprenne vie avec tellement moins que ce qu’on aurait imaginé faire bien plus. C’est bon d’être là. Nous sommes dans la nouvelle exposition humble et irisée d’Eliza Douglas. Elle est elle-même quête. Elle part de l’obscurité de la grotte et se réveille. Comme la poétesse elles font leur entrée. Tout autour de la peintre il y a le jour — un bébé pleure au début mais l’adulte rit. J’entends ce rire maintenant. Ouaip, elles s’ééétiiiirent et les voilà debout. Quelle journée !

Eileen Myles
Traduction Gauthier Hermann

Press Release.pdf


Air de Paris