• English version
• A propos de l'exposition / About the exhibition
• Dossier de Presse / Press Release


loading…


/




Parfois comprendre une chose ne revient pas à être capable de la métaboliser ou de vivre selon ce qu’on sait.

On peut tout à fait comprendre au niveau intellectuel un concept et ne pas arriver à en faire l’expérience. La connaissance d’un fait n’est pas l’équivalent de la conscience de ce que ce fait implique dans notre vie.

Parce que la vie n’est pas seulement intellectuelle et elle n’est pas exclusivement humaine.

Il se peut qu’on vive dans un temps où lire et entendre ce qui arrive nous mette dans un état d’incrédulité.

On peut alors se tourner vers le conspirationnisme, les fake news, la paranoïa, l’astrologie, la divination, l’anthroposophie ou autre chose.

On lit par exemple que Mercure va rester rétrograde entre le 23 septembre et le 2 octobre et pendant ce temps-ci avoir un sens de la réalité, trouver de la clarté et une façon d’avancer sera extrêmement difficile.

Les planètes ont des pouvoirs énormes quand elles changent de direction et même si Jupiter est bienveillante, elle n’y va pas avec le dos de la cuillère. Donc si nous allons commettre des erreurs pendant cette saison rétrograde, vraisemblablement cela va arriver dans le style de Jupiter : fabuleusement. En ce qui concerne Mercure rétrograde, l’humilité et le sens de l’humour seuls peuvent nous sauver. (Ce qui est déjà intéressant et nous donne une piste.)

Et si par hasard vous avez des enfants âgé.es entre 8 et 11 ans, Rudolf Steiner affirme qu’iels sont en train de « passer le Rubicon », que la grâce de la petite enfance qui enchantait la famille les quitte, qu’iels perdent le paradis lumineux de la fantaisie aérienne et qu’iels s’engouffrent dans un tunnel ténébreux de criticisme et d’instabilité. Cela peut engendrer un nouveau besoin d’espace qui va sans doute pousser la famille à déménager ou à entreprendre des changements irréversibles dans le cas des adultes. Vous et l’autre parent traverserez aussi le Rubicon et tout ce que vous connaissiez ne sera plus jamais pareil. Faites-en ce que vous voulez.

Ou bien il se peut que vous soyez des lecteurices avides des infos et que vous vous teniez au courant par les medias indépendants, en écoutant les militant.e.s qui se trouvent là où les conflits se passent, mais vous n’arrivez toujours pas à vous faire une raison de la régression systématique dans tous les secteurs que notre culture et notre mode de vie étaient censés améliorer. La santé, la paix, l’instruction, la prospérité, la tolérance et la fin de l’injustice sont globalement devenus des objectifs lointains. C’est un fait.

Si vous lisez le monde à la lumière des identity politics et êtes persuadé.e.s que le terrible présent dans lequel on vit est le fait des gens cis, du mâle blanc, du patriarcat, de la mafia extractiviste, on doit tout de même avouer que le type de catastrophe que nous vivons est absurdement aigu si on considère que cet horrible paysage de truands est là depuis aussi longtemps que les oliveraies, depuis au moins la Grèce antique, et pourtant la xylella est arrivée seulement en 2013…

Quand la pensée logique et mystique arrivent à pourvoir un diagnostic de notre crise, ça reste néanmoins compliqué de tracer des lignes de fuite et la dépression pourrait toujours nous menacer.

Comme le déclarent les tarots « faire toujours la même chose et s’attendre à un résultat différent est une forme de folie » et comme Carlo Maria Cipolla a expliqué, alors que le méchant endommage les autres par un comportement malfaisant, le stupide endommage soi-même et les autres en agissant selon son interprétation tordue de la réalité.
Si nous voyons notre santé mentale comme un nouveau terrain d’extraction et d’investissement de la part des pouvoirs gouvernementaux, par les algorithmes, la surveillance et d’autres moyens, il se peut qu’on veuille se protéger en opposant à la tristesse systématique une production de joie inattendue.
À celleux qui cherchent à nous faire sentir coupables de notre empreinte carbone et qui prédisent que nous devrons manger des insectes et nous passer de l’électricité, nous répondons que si chacun.e pouvait faire la différence, la différence serait déjà là. Ce qui est vu comme irresponsabilité ces temps-ci pourrait aussi bien être le refus d’assumer des responsabilités qui ne sont pas les nôtres. Car à force de prendre sur nous le poids de fautes d’autrui nous épuisons notre force d’exister. La crise énergétique n’a pas seulement lieu à l’échelle planétaire, ça arrive à l’intérieur de chacun.e d’entre nous. C’est pour cela que nous sommes toustes aussi fatigués.

L’inframince qui a été découvert par Marcel Duchamp entre la première et la deuxième guerre mondiale comme espace pour étendre et pénétrer une réalité illisible, est là à nouveau aujourd’hui. On peut rester assis.e en silence et ressentir la présence de la table, qui nous parle de sa fabrication, du bois qui la compose, ses molécules communiquant avec les nôtres. On peut ressentir l’affect de la plante, son histoire, ses souvenirs, ce qu’elle dit à nos mains et à nos yeux. On peut percevoir comment des différents types de nourriture modifient nos pensées et notre façon de respirer et d’enregistrer le monde autour de nous. La couleur nous affecte physiquement et rend matériellement possibles des choses qui n’existeraient pas sans elle. Notre capacité de comprendre et d’entendre le monde est immense, les téléphones portables et les ordinateurs n’y ont rien changé, pas besoin de se sentir désorienté, on doit juste écouter attentivement.

Ce qu’on attend de nous dans les circonstances présentes est exactement ce qui nous a amené là où nous en sommes.

Nous ne devrions plus être cohérent.e.s avec ce que les gens disent de nous.

Nous avons commencé.




At times understanding something doesn’t mean being able to process it, or to live according to what we consciously know.

One can intellectually understand a concept but not be able to experience it. The knowledge of facts isn’t the equivalent of the awareness of what they entail in our life.

Because life isn’t only intellectual and it isn’t exclusively human.

We might be living through times in which reading or hearing what is happening leaves us incredulous. We might turn to conspiracy theories, fake news, paranoia, astrology, divination, anthroposophy, or something else.

We read, for example, that Mercury will stay retrograde from September 23rd until October 2nd 2022 , meaning that a sense of reality, of clarity or of a way forward will be incredibly hard to come by. Because planets have extra power when they change direction and although Jupiter is well-meaning, it isn’t known for small or subtle statements. If we’re going to make mistakes this retrograde season, we’ll likely make them in true Jupiter fashion: fabulously. As with all Mercury retrogrades, humility and a sense of humor will be our safeguards. (Which is very helpful and inspiring.)

And if you happen to have children aged between 8 and 11, Rudolf Steiner says that they are “crossing the Rubicon”, falling out of the grace of early childhood that enchanted the family, losing the luminous paradise of aerial fantasy and entering the dark tunnel of criticism and instability. This journey will entail a new need for space, which might require adult people to move house or to initiate irreversible changes in their life. You and the other parent will also be crossing a Rubicon and all you used to know will never be the same. Take it or leave it.

Or maybe, when just avidly reading the news and keeping informed through independent media, listening to militants who are in the fields where conflicts take place, you still can’t make sense of the systematic regression in all the areas that our culture and way of life were supposed to improve. Health, peace, education, prosperity, tolerance and the end of injustice have globally become a distant horizon. It’s a fact.

If you believe in identity politics and blame the terrible present circumstances on cis-people, white males, patriarchy, all the cronies of extractivism, we must admit that the crisis that we are undergoing is extraordinarily acute given that this dreadful landscape of bastards has been there for as long as the olive groves, since ancient Greece at least, and yet the Xylella disease only hit in 2013…

When logical or mystical thinking provides a diagnosis of our crisis, it’s still hard to trace a line of flight and depression might be looming.
As the tarots state “doing over and over again the same thing and expecting a different outcome is a form of madness,” and as Carlo Maria Cipolla explained, although evil persons damage others through their wicked behavior, stupid persons damage themselves and others when acting according to their distorted vision of things.

If we see our mental health as a new field of extraction for governmental powers, through algorithms, surveillance, and other tools, we might want to protect it by opposing an unplanned production of joy to the systematic sadness.

To the ones who try to make us feel guilty for our carbon footprint and predict that we will have to eat insects and quit using electricity, we can reply that if everyone of us could make a difference, the difference would have already happened. What is deemed as irresponsibility these days might just be the refusal of carrying responsibilities that aren’t ours. Taking upon ourselves the guilt that doesn’t belong to us exhausts our capacity to exist. The energy crisis isn’t only happening on a planetary scale, it’s happening inside each and everyone of us. This is why we are all so tired.

The infrathin was discovered by Marcel Duchamp between World War One and World War Two as a space to expand and penetrate an illegible reality, and it is here again today. We can sit in silence and feel the presence of the table, speaking to us about its production process, the wood that composes it, its molecules communicating with ours. We can feel the affect of the plant, its history, its memories, what it’s telling to our eyes and our hands.

We can perceive how different foods modify our thoughts and our way of breathing and registering the world around us. Color physically affects us and makes materially possible things that wouldn’t exist without it. Our capacity for understanding and hearing the world is immense, mobile phones and computers haven’t changed it, we shouldn’t feel disoriented, we should just listen carefully.

What is expected from us all under these circumstances is exactly what took us to the point that we are at.

We should no longer comply with what people say about us.

We have begun.