new interface of galleries
Air de Paris and Praz-Delavallade


#1 Dorothy IANNONE
Sequence proposed by Yves Brochard





Dorothy Iannone
People

1966-1967
mixed media on kraft mounded on wood
//////////////////////////////////////////////////////

“... I THINK OF THE ART OF MY LIONESS.” (1)

C’est venu des pairs, d’abord Robert Filliou, Emmett Williams... Aujourd’hui Maurizio Cattelan qui invite en 2005 Dorothy Iannone à la Gagosian gallery de Berlin et à la Wrong gallery. Entre-temps, il y a eu la vie avec Dieter Roth de 1967 à 1974, rencontre de la saga et de la légende amoureuse. Toute l’oeuvre de Dorothy Iannone ne parle que de cette revendication de l’amour, c’est pourtant un travail dont les premières traces dans les années 60 s’inscrivent dans la ligne de l’expressionnisme abstrait Américain, mais là où pour la plupart, les taches, les formes... vont déboucher sur des recherches formalistes, chez Dorothy Iannone au contraire elles vont se raccrocher à des formes anthropomorphes aux couleurs pures et vives. A partir de 1966/67, ces formes vont même s’extraire de la surface et se découper dans la série “People” où des univers très différents vont apprendre à se côtoyer: les personnages du cirque, les dieux de la mythologie... vont croiser Charlie Chaplin, les Rolling Stones, John F. Kennedy....Les sexes féminins et masculins commencent à systématiquement apparaître sur les personnes: “En ces temps, je réalisais de petites figurines en bois découpé, figure de chacun auquel je pensais, partout dans le monde, de tout temps, place et mode de vie. Ça a toujours été mon plaisir d’inclure dans mes représentations innocentes (ne sont elles pas innocentes ?) les organes génitaux - un plaisir pour lequel j’ai eu, de façon stupéfiante mais avec bonne volonté, à payer chèrement.” (2) L’une des oeuvres de cette série évoque la situation née lors de l’arrivée de Dorothy Iannone, son mari, Emmett Williams à Reykjavik en juin 1967 suivie de la fameuse première rencontre avec Dieter Roth . C’est aussi la naissance d’un de ces couples d’artistes comme on en connaît mais là où pour la plupart cela reste du domaine de la vie privée, chez Dorothy Iannone cela va fonctionner comme un mythe fondateur, Dieter Roth devenant sa muse... Ce qui frappe également c’est la capacité de l’oeuvre de Dorothy Iannone, à partir de là, à passer d’une histoire intime, qui plus est amoureuse, passionnelle, à une aventure universelle qui va tous nous concerner dans la joie. La moindre complicité peut alors se transformer en code plastique, je pense ici aux admirables Carnets de Henri-Pierre Roché quand embrasser le sexe féminin devient “kiss petite femme” ou mieux “kpf”. Quand l’oeuvre atteint cette intensité, surtout lorsqu’elle ne parle que d’amour, de sexualité, l’artiste peut s’attendre à un “retour de bâton” et Dorothy Iannone aura sa part: en 1967, lors d’une exposition de “People” à la galerie Hansjörg Mayer de Stuttgart, la police fait irruption suite à une plainte pour pornographie; en 1969, à la fameuse exposition “Fründ, friends, Freunde und Freunde” à la Kunsthalle de Berne, l’oeuvre de Dorothy Iannone subira la censure de Harald Szeemann et Daniel Spoerri, effrayés par la densité érotique des dessins; mais elle sait aussi réagir et attaquer, ainsi lorsqu’en 1961 elle assigne en justice (et gagne !) le gouvernement Américain qui l’empêche de lire librement l’oeuvre de Henry Miller. A côté de cela, l’ autre aspect qu’il me paraît important de souligner est la pudeur de cette oeuvre (la pudeur non pas comme un sentiment de honte devant la sexualité, ça serait le contraire, mais plutôt comme le précise le Robert un sentiment associé à l’honnêteté, la modestie, la délicatesse... Peut-être devrions nous inventer un mot ?): tout est montré et comment ! les caresses, les positions... mais derrière une naïveté, une liberté étonnante il y a toujours une retenue qui fait cette grande oeuvre d’art.
C’est aussi ce que l’on ressent devant “I Was Thinking Of You”, l’exposition Domino présente la troisième version réalisée en 2006 et exposée à la dernière Biennale du Whitney, la seconde version a été montrée à la Wrong gallery/ Tate Modern. Plusieurs oeuvres dans le parcours de Dorothy Iannone partaient de cette idée de la boite, du caisson qui renferme le “noyau”, c’est aussi là que formellement l’influence de toutes les amitiés “Fluxus” se fait le plus sentir, les premières boites étaient acoustiques ainsi dans les années 70 la “Singing box” contenant une cassette avec la voix de Dorothy Iannone. Cette fois, le caisson a taille humaine, un homme caresse le sexe d’une femme dont la tête est ajourée, remplacée par un écran qui montre le visage de Dorothy Iannone en pleine montée d’orgasme. Le film est noir et blanc, il a été réalisé en 1975 alors que l’artiste résidait à Saint Jeannet, aujourd’hui encore elle décrit ce tournage comme un événement étrange dans ce village alors qu’elle était seule à se filmer dans sa chambre. On pense à “Blow job” mais la comparaison s’arrête là, chez Warhol, le titre renvoie à l’acte, chez Dorothy Iannone, il renvoie à la personne aimée, d’un côté le visage de l’homme en montée de jouissance est filmé devant un mur sordide, de l’autre, le caisson qui entoure l’image de l’écran est peint avec les éléments de son vocabulaire amoureux: l’homme, la femme, le sexe, le décor, les végétaux, les oiseaux, les ornements... toujours avec des couleurs pures, il y a aussi cette collerette en plumes d’autruche blanches qui souligne le visage. Les flancs du caisson sont couverts par les textes, dans leur contenu, leur forme, ils deviennent comme d’autres images.
En 1971, Dorothy Iannone accompagne Dieter Roth chez son graveur dans la petite ville de Braunschweig, ce soir là elle raconte pour l’endormir l’histoire des lions, Dieter Roth lui suggère de la graver: ce sera “Lions for Dieter Roth the Present Lion Master” et l’histoire dit: “Il était une fois un homme et une femme qui marchaient dans la forêt. Peut-être se sont-ils arrêtes pour faire l’amour. Quand ils reprirent leur marche, ils furent aperçus par quelques lions et lionnes qui voulaient les manger. L’homme sortit immédiatement sa trompette -certains disent un violon- et commença à jouer. La femme -quoique dans un autre style et dans d’autres tons- ajouta son chant à la musique de l’homme. Ainsi, ensemble, ils charmèrent et apaisèrent les bêtes sauvages qui prirent alors des attitudes pensives, pacifiques et joyeuses. Et alors, peut-être la femme et l’homme firent de nouveau l’amour. Et ainsi firent aussi les gros chats.”(3)

Yves Brochard

(1): Dieter Roth & Dorothy Iannone, Sprengel Museum Hannover 2005.
(2): Dorothy Iannone, Neue Gesellschaft für Bildende Kunst Berlin 1997.
(3): Dieter and Dorothy, Zürich 2001.



Random Gallery
is a storefront located between 32 and 28 rue Louise Weiss, 75013 Paris.


contacts :

fan@airdeparis.com
gallery@praz-delavallade.com